Quelles perspectives apportent les recherches et découvertes scientifiques sur les relations entre les fonctions cérébrales, l’esprit et l’expérience humaine ?
De nouveaux champs de recherches et d’applications dans les domaines des neurosciences contemplatives ont montré l’action transformative de l’entraînement à la Pleine Conscience et à la compassion sur les fonctions cérébrales, et leurs effets positifs sur l’affect, les relations et la santé en général. Le Mind and Life Institute est au cœur de ces recherches et de leurs applications qui révolutionnent la connaissance des relations entre les fonctions cérébrales, l’esprit et l’expérience humaine.
- Introduction
- Table ronde : Denys Rinpoché, Claire Petitmengin, Michel Bitbol, Elena Antonova, Arnaud Carré, Dominique Eraud, María Teresa Miró, Lorraine Gaultier.
Présentation de l'intervention d'Elena Antonova
Attention pleinement consciente et traitement de l’information sensorielle :
Cet exposé explorera le traitement de l’information sensorielle chez des pratiquants expérimentés de la pleine conscience, en l’évaluant par l’habituation au sursaut. Le sursaut (mesuré en utilisant l’électromyographie appliquée à l’amplitude d’un clignement d’œil consécutif à un bruit fort et soudain) est un réflexe câblé, et il est usuellement ressenti comme désagréable. En règle générale, l’amplitude du sursaut s’atténue vite par l’habitude, lorsque les stimuli qui le provoquent se succèdent rapidement. Cependant, les méditants expérimentés en phase de pratique intensive manifestent une habituation atténuée au sursaut durant les périodes de vigilance ouverte, car ils maintiennent l’ouverture et la fraîcheur d’attention à chaque stimulus entrant, malgré son caractère désagréable. Il est intéressant de noter que les théories du traitement de l’information sensorielle considèrent la réduction du filtrage sensoriel comme préjudiciable au traitement efficace de l’information, et comme susceptible de conduire à la fragmentation cognitive et à un effondrement fonctionnel analogue à celui qu’on observe dans la schizophrénie. Pourtant, on a montré que l’entraînement à la pleine conscience est associé à un traitement cognitif plus efficace, à une réduction des pathologies psychiques, à une régulation accrue des émotions, et à un bien-être global.
Je présenterai de nouvelles données psychophysiologiques sur l’habituation au sursaut chez des méditants expérimentés de base dans la tradition bouddhiste tibétaine pratiquant le Dzogchen, et j’explorerai des mécanismes pouvant sous-tendre une capacité accrue de traitement de l’information en présence d’une réduction du filtrage informationnel durant l’attention pleinement consciente.
Présentation de l'intervention de Dominique Eraud
Mindfulness et les médecines intégratives :
Le terme médecine intégrative est utilisé pour désigner le recours simultané à la médecine conventionnelle ( evidence based medecine ) et aux médecines alternatives (ou non conventionnelles) dans le suivi d’un patient, pour maintenir sa sante et améliorer son bien être .Elle propose de traiter ” la personne dans sa globalité ” et pas un symptome . Elle tient compte des aspirations du patient et tout se fait en accord avec l’équipe médicale, et les praticiens paramédicaux.
On constate dans les publications de plus en plus d ‘expériences scientifiques dans le domaine médical qui montrent les effets thérapeutiques de la méditation et ses limites ; les médecins pionniers sont : dr. Kabat Zinn ,dr David Servan Schreiber ,dr Thierry Janssen , dr Christophe André et le docteur en biologie Mathieu Ricard .On y retrouve beaucoup d exemples où l’ association de la méditation avec les médecines comme l’acupuncture , l’homéopathie , la médecine ayurvedique. est particulièrement efficace ; avec ces points communs : pas d effets secondaires toxiques , le respect de l ‘environnement intérieur et extérieur du patient ; considérer le patient dans sa globalité , renforcer le terrain et l’immunité ; restaurer le dialogue entre le corps et l esprit .
Par exemple , la médecine traditionnelle chinoise comprend à côté de l’acupuncture, les massages, la diététique, la phytothérapie, le TAI QI CHUAN , le QI GONG et …la méditation ;
Le Qi,le souffle est la force de vie qui parcourt le vivant : Il s’agit d’harmoniser la circulation du Qi ;
Ainsi, la puncture d’un point s’adresse à la fois au plan psychique , au plan corporel et au plan spirituel ;
“En acupuncture, toute méthode doit d’abord se fonder sur l’esprit, Shen ” dit le LING SHU 2 au chapitre 8.
De plus, le Shen de l’acupuncteur, son attitude et son état d’esprit sont importants. Sa disponibilité et sa qualité de présence vont permettre “un espace vacant “, un moment de silence, ;
Dans la tradition orientale, c’est le vide, l’interstice, l’intervalle qui sont sources de circulation, de vitalité et d’ordre.
Les effets de la méditation intéressent de plus en plus de médecins :on assiste ainsi à la création de centres de médecines intégratives dans de nombreux pays dont la France ;
l ‘université de Strasbourg a créé un diplôme universitaire pour les médecins ,en 2013, intitulé : ” médecine ,méditation et neurosciences “.
Ayant eu la chance de recevoir les enseignements du bouddha de la médecine par lama Gendun il y a 25 ans et de suivre un séminaire Pleine Présence à Karma Ling j’ai donc amené les patients vers la pratique de la méditation ;
j ‘évoquerai cette expérience passionnante lors de l’atelier.
Présentation de l'intervention de María Teresa Miró
Mindfulness dans les traitement psychologiques : cas particuliers
Le propos de cette présentation est de partager quelques procédures et données sur l’utilisation de la Mindfulness dans des cas particuliers de la maladie d’Alzheimer et de psychose. Dans le premier cas l’efficacité de la mindfulness appliquée dans un groupe a été comparée à un groupe participant à une approche cognitive et de relaxation progressive au cours d’une expérience, en double aveugle et aléatoire, menée avec 127 personnes, conduite il y a deux ans.
Le résultat montre un moindre déclin des fonctions cognitives globales dans le groupe de mindfulness et confirme l’idée que la pratique de la mindfulness peut être une alternative valable et utile dans le cadre des traitement non pharmacologique de la maladie d’Alzheimer.
Dans le second cas, une étude pilote a été conduite avec l’application de la mindfulness (attention au souffle et au corps)auprès de 9 patients psychotiques dans un établissement public de santé mentale, durant 3 mois. Le résultat montre l’absence d’aggravation des symptômes pendant cette période, une baisse des mesures de l’anxiété et une augmentation de l’attention interoceptive, en particulier dans la sensation du corps comme lieux de sécurité. Bien qu’encore préliminaires, ces données montrent que la pratique de la mindfulness a un grand potentiel à explorer dans le domaine de la psychose.
Présentation de l'intervention de Lorraine Gaultier
Psychiatrie, psychanalyse et méditation :
La rencontre, il y a 20 ans de la méditation, de la psychiatrie dans plusieurs institutions (enfants, adolescents, adultes) et de la psychanalyse sont venues s’enrichir mutuellement.
En psychiatrie, les pathologies témoignent souvent d’une fixation arrêt sur le passé ou d’une anticipation anxieuse du futur invalidante. La méditation permet de réinvestir ou découvrir une qualité d’être au présent, source de joie et de sécurité, véritable antidépresseur. Le présent peut alors être investi, célébré. Acteur de sa vie, en lien avec l’environnement qui est vécu comme moins hostile et étayant, avec une dimension d’altérité si précieuse et si indispensable.
En psychanalyse, la méditation aide à lâcher la grande saisie de la pensée, à retrouver un ressenti du présent qui permet des allers retours entre présent et évocation de parcours de vie. Les traumatismes ne sont pas convoqués mais émergent dans une qualité de présence sécurisante. Le lieu d’où l’on parle est suffisamment étayé pour autoriser à plonger en soi rapidement et ne pas oublier de revenir au présent et de l’investir.
La méditation amène une clarté des ressentis, émotions, pensées, fonctionnements psychiques. Intéressants à accueillir avec l’écoute singulière de la psychanalyse qui permet une liberté d’être. Entendre ces paroles, ressentis, leur accorder du sens avant de les lâcher trop vite.
Pour le thérapeute, revenir à sa respiration, aux points d‘appuis physiques et psychiques, à une qualité de présence légère et joyeuse, de ressenti, un retour à soi, un lieu de sécurité en soi.
Ceci peut éviter un “burn out “ chez des soignants qui arrivent trop souvent abîmés.
Mais également, un allègement de ce qui a chargé le thérapeute et un retour à soi qui permet une fraîcheur d’accueil pour le patient suivant.
Ceci m’a amenée à un choix de lieu et de style d’exercices.
Dans une yourte, lieu poétique et éphémère.
Les séances parfois effectuées en marchant dans un tempo que je suggère, que l’autre suggère ou qui se laisse surprendre.
Le recentrage sur soi en lien avec l’environnement dans le « jardin d’attente » ramène à l’essentiel et une présence relaxée.
Tout ceci entraîne une surprise qui permet parfois un possible changement psychique avec une légèreté joyeuse.
Je souhaiterai juste évoquer quelques-unes de ces Rencontres.