Enseigner, c’est influencer des vies pour toujours ! Qui ne se souvient pas de la remarque d’un de ses professeurs (positive ou négative) ? La mission est précieuse, passionnante et complexe à la fois… Avec l’évolution de la société, les rapports au savoir (Internet) et à l’autorité (à légitimer) ont été modifiés : il n’est pas toujours aisé pour le professeur de se situer, de s’adapter et de prendre sa place. Enseigner peut parfois représenter un défi ! Tous ces changements appellent à une nouvelle posture…
A mon sens, l’identité enseignante est à construire et à définir par chaque professeur en particulier avec ce qu’il est et sur base des prescrits communs légaux. A cet égard, la pleine conscience peut constituer un précieux levier pour y voir plus clair et savoir ce qui est bon et juste pour soi et le groupe-classe. Même si des moments formels « pleine conscience » peuvent enrichir le quotidien de la classe, avant tout il s’agit d’un état d’esprit incarné par le professeur lui-même : attentif à l’instant présent, à soi-même (sensations, émotions, pensées, actions) et à son environnement (élèves, groupe-classe, école, société, nature) qui accueille tout ce qui surgit, recadre quand nécessaire et construit le sens en commun avec sa classe.
Je témoignerai ici de mon expérience et de mon attitude en tant qu’enseignante, conseillère pédagogique et coach. Sur base de celles-ci, j’ai élaboré une formation sur l’identité, notamment le savoir-être au départ de la communication non verbale : « Prof, métier d’acteur ? Peut-on être soi ? Outils pour développer sa présence, enthousiasmer et gérer la classe ». Cette formation offre un espace de réflexion et d’action pour construire son identité de professeur, prendre conscience de soi au départ de ses valeurs, ses besoins,… car « on enseigne avant tout ce que l’on est » (Jaurès). Et, comme toute communication passe à 90 % par le non verbal, en avoir conscience est capital car cela permet de s’assurer de notre cohérence corps/esprit si facilement détectable par les élèves… Ne passionne que celui qui est passionné ! Il s’agit là d’incarner une posture et la pleine conscience nous y invite.
Nous sommes des êtres de relation et d’émotions… en recherche de contact, contact ô combien vital au risque de dépérir. Offrir un espace de parole aux élèves en classe, marquer un temps d’arrêt, faire une minute de silence, accueillir et considérer les imprévus et émotions comme des leviers pour l’apprentissage, autant d’options qui favorisent un climat sain et une relation pédagogique épanouissante. Lenteur, considération de l’élève comme une personne, respect et bienveillance (non-jugement) sont quelques-uns des ingrédients majeurs pour incarner ce roseau à la fois souple et stable, rassurant…
En termes de levier institutionnel, pour oser prendre du temps ou prendre son temps pour ce qui se vit et surgit en classe, l’article 6 du décret « Missions » de 1997 (Belgique) nous rappelle les missions transversales de tout enseignant :
1° promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne de chacun des élèves;
2° amener tous les élèves à s’approprier des savoirs et à acquérir des compétences qui les rendent aptes à apprendre toute leur vie et à prendre une place active dans la vie économique, sociale et culturelle;
3° préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’1 société démocratique, solidaire, pluraliste, ouverte aux autres cultures;
4° assurer à tous les élèves des chances égales d’émancipation sociale.
La classe est donc, entre autres, une école de la vie : ces compétences acquises pour la vie constituent ce bagage inestimable transférable à toute action future (profession, expérience)…
En termes de frein à la pleine conscience, j’ai déjà évoqué la question du temps disponible en classe où un élément-clé est le fait d’incarner cet état d’esprit et pas forcément de créer des moments particuliers de pleine conscience. Par ailleurs, je citerais la prudence à avoir avec le vocabulaire utilisé pour faire connaitre cette pratique, bien présente depuis la nuit des temps, tant elle est parfois connotée dans l’esprit de certains. A première vue, cet a priori (connotation) peut sembler un obstacle. L’enseignant peut aussi le considérer comme une ressource, un défi… ou tout simplement une occasion pour accueillir la différence car, comme dit Manu Di Bango : On ne peut pas peindre du blanc sur du blanc ni du noir sur du noir. Chacun a besoin de l’autre pour se révéler.