Des expérience et savoir-faire innovants : quels obstacles et quelles ressources de développement ?
- Introduction : Eline Snel.
- Table-ronde : Eline Snel, Vincent Paré, Laurence Gaspary, Catherine Lannoy, Nathalie Bourgeois, Candice E. Marro, Maria-Lisa Guidi, Bastien Isabelle.
Présentation de l'intervention d'Eline Snel
Facteurs facilitants l’intégration de la Mindfulness à l’école :
1. Au niveau du Système d’Éducation National
- La conscience d’un besoin grandissant pour la pratique de la pleine conscience comme une réponse possible à de nombreux problèmes : Concentration, stress, désordre dans la classe, problème de comportement, harcèlement, manque de compassion, mauvaise estime de soi, mal-être, anxiété
- Discussions politiques et sociétales sur le projet Programme 2032
- Décentralisation : liberté relative des établissements et des enseignants pour mettre en place leur programme
- Moins de pression extérieure exercée par les tests standardisés
- Un haut niveau de formation pour les enseignants de Mindfulness auprès des enfants
- Financement des écoles et des enseignants pour la formation de la pleine conscience
2. A l’école
- Leadership éducationnel : Principal /manager avec une vision positive de la pleine conscience, facilitant la formation des enseignants à la pleine conscience (pour les enfants) et l’introduction de la pleine conscience dans leur établissement
- Vision, objectifs et valeurs éducatives reliés à la pleine conscience : Vision, concept et objectif de l’école pour une éducation globale de l’enfant concernant le bien être, sans maltraitance, développant la concentration, la compassion (pour soi) ; satisfaisant les besoins naturels de l’enfant pour être autonomie, compétents et en relation avec les autres
- Gestion des ressources humaines visant au bien être des enseignants et à la prévention du stress
- Stratégie de bas en haut (Bottom up ) : commencer ave des enseignants motivés, intéressés et volontaires ( les pionniers) ; ne jamais forcer les enseignants à suivre des formations de pleine conscience ; permettre aux enseignants d’expérimenter les exercices de pleine conscience (expérimenter plutôt que commenter au sein d’atelier ou de rencontre d’information)
- Les enseignants ont besoin d’une méthode structuré d’enseignement de la pleine conscience
- Enseignants « spécialisés» de pleine conscience : donner des facilitées pour permettre aux enseignants de transmettre la pleine conscience dans d’autres classes que les leurs ; les enseignants de pleine conscience qui ne sont pas formés à l’enseignement pour les enfants devrait proposer des exercices de pleine conscience quotidiennement en coopération avec le pédagogue professionnel
- Les parents : information sur comment pratiquer à la maison (de façon informelle) et si possibles cours pour les parents
Présentation de l'intervention de Vincent Paré
L’enseignement de la Pleine Conscience à l’École : bel idéal utopique… …ou véritable enjeu scolaire ?
Qu’est-ce qui fait obstacle à l’enseignement de la Pleine Conscience à l’École ?
Siège des apprentissages, l’école a une mission clairement définie : permettre à tous les élèves de s’inscrire de manière autonome et épanouissante dans une maîtrise des instruments fondamentaux de la connaissance, sur la base d’un Socle commun de compétences, connaissances et cultures.
Que pourrait bien faire ici la Pleine Conscience ? Y-a-t-il une place pour une pratique identifiée comme spirituelle dans l’école de la République laïque?
Et si l’école était surtout là pour aider les enfants à mettre de l’ordre dans le désordre de leur imagerie personnelle du monde, les aider à trouver leur place pour agir dans ce monde. Un élève qui ne tient pas en place est un enfant qui ne connaît pas sa place. Les recherches en neurosciences mettent en exergue l’importance de l’intelligence émotionnelle dans le processus cognitif. Et cette dimension émotionnelle commence à être reconnue par l’Éducation nationale qui l’inscrit dans l’esprit des nouveaux programmes.
Sans invoquer la Pleine Conscience, l’Institution prône la nécessité d’une pédagogie de la valorisation et de la conscience de soi, en la distillant dans les différents champs d’enseignement de l’école primaire (enseignement moral et civique, parcours artistiques et culturels, maîtrise de la langue, évaluation, personnalisation des parcours de réussite des élèves…).
Et si l’obstacle venait d’ailleurs.
Des actions ponctuelles, en îlots, sont mises en œuvre par quelques enseignants convaincus… en toute intimité.
La Pleine Conscience, ce n’est pas une activité, c’est tout un regard, un cœur de pratiques, portées par l’adulte d’abord et ce, quels que soient les supports ou démarches. Tout est source qui sait l’interroger, la convier.
Et si le blocage était juste une question de priorité : enseigner, c’est choisir. Quel sens donne-t-on aux apprentissages en particulier, à l’école en général ?
Et si l’obstacle au final résidait dans l’absence de prise de conscience… de la nécessaire conscience de soi, comme étape essentielle du processus d’apprentissage !
Présentation de l'intervention de Catherine Lannoy
Les enseignants heureux vont changer le monde, Thich Nhat Hanh.
Mes années d’enseignement de la pleine conscience dans les écoles bruxelloises durant le temps scolaire, tous publics confondus, m’ont appris que celle-ci ne s’ « enseigne » pas : la graine est déjà là, et selon les mots de Thich Nhat Hanh, un bon enseignant touche la graine, lui permet de s’éveiller, de germer et de grandir.
Nous pouvons bien sûr utiliser des « outils » de sensibilisation à la pleine conscience (teaching mindfulness) ; ceux-ci ne deviendront cependant des vecteurs d’éveil que s’ils sont incarnés par un enseignant qui porte la dimension consciente et présente d’écoute et de bienveillance (mindful teaching), favorisant chez l’élève le goût et l’aptitude à la connaissance de soi, à l’apprentissage, au partage et au bien-vivre-ensemble.
Cette dimension de bienveillance est souvent malmenée tant dans le coeur de l’élève – et les relations entre pairs – que dans la mission de l’enseignant trop exigeant envers lui-même, voire démotivé et épuisé. Une graine parfois si peu arrosée dans les manuels, les classes, les cours de récréation, les salles des profs…
Enseigner précisément à partir d’un socle de « savoir-être », d’une attitude intérieure qui rayonne et porte cette dimension de bienveillance, c’est transmettre aux élèves, au-delà des essentiels savoir-faire, une profonde ouverture à notre humanité.
Là me semble aujourd’hui le défi de ce projet pionnier au sein des écoles : non seulement initier par l’expérience les élèves à la pratique de la pleine conscience dans toutes les occasions de la vie (scolaire, familiale, amicale…) mais aussi ouvrir les enseignants à ce précieux savoir-être et les y accompagner. Et au-delà de la classe, dans la formation continue et dans celle des futurs étudiants. Tout est à créer. Dans la joie. « Notre mission d’enseignant est d’être heureux pour construire ensemble une humanité digne et heureuse. » (Thich Nhat Hanh)
Présentation de l'intervention de Nathalie Bourgeois
La pleine conscience incarnée par le professeur en classe : leviers et freins
Enseigner, c’est influencer des vies pour toujours ! Qui ne se souvient pas de la remarque d’un de ses professeurs (positive ou négative) ? La mission est précieuse, passionnante et complexe à la fois… Avec l’évolution de la société, les rapports au savoir (Internet) et à l’autorité (à légitimer) ont été modifiés : il n’est pas toujours aisé pour le professeur de se situer, de s’adapter et de prendre sa place. Enseigner peut parfois représenter un défi ! Tous ces changements appellent à une nouvelle posture…
A mon sens, l’identité enseignante est à construire et à définir par chaque professeur en particulier avec ce qu’il est et sur base des prescrits communs légaux. A cet égard, la pleine conscience peut constituer un précieux levier pour y voir plus clair et savoir ce qui est bon et juste pour soi et le groupe-classe. Même si des moments formels « pleine conscience » peuvent enrichir le quotidien de la classe, avant tout il s’agit d’un état d’esprit incarné par le professeur lui-même : attentif à l’instant présent, à soi-même (sensations, émotions, pensées, actions) et à son environnement (élèves, groupe-classe, école, société, nature) qui accueille tout ce qui surgit, recadre quand nécessaire et construit le sens en commun avec sa classe.
Je témoignerai ici de mon expérience et de mon attitude en tant qu’enseignante, conseillère pédagogique et coach. Sur base de celles-ci, j’ai élaboré une formation sur l’identité, notamment le savoir-être au départ de la communication non verbale : « Prof, métier d’acteur ? Peut-on être soi ? Outils pour développer sa présence, enthousiasmer et gérer la classe ». Cette formation offre un espace de réflexion et d’action pour construire son identité de professeur, prendre conscience de soi au départ de ses valeurs, ses besoins,… car « on enseigne avant tout ce que l’on est » (Jaurès). Et, comme toute communication passe à 90 % par le non verbal, en avoir conscience est capital car cela permet de s’assurer de notre cohérence corps/esprit si facilement détectable par les élèves… Ne passionne que celui qui est passionné ! Il s’agit là d’incarner une posture et la pleine conscience nous y invite.
Nous sommes des êtres de relation et d’émotions… en recherche de contact, contact ô combien vital au risque de dépérir. Offrir un espace de parole aux élèves en classe, marquer un temps d’arrêt, faire une minute de silence, accueillir et considérer les imprévus et émotions comme des leviers pour l’apprentissage, autant d’options qui favorisent un climat sain et une relation pédagogique épanouissante. Lenteur, considération de l’élève comme une personne, respect et bienveillance (non-jugement) sont quelques-uns des ingrédients majeurs pour incarner ce roseau à la fois souple et stable, rassurant…
En termes de levier institutionnel, pour oser prendre du temps ou prendre son temps pour ce qui se vit et surgit en classe, l’article 6 du décret « Missions » de 1997 (Belgique) nous rappelle les missions transversales de tout enseignant :
1° promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne de chacun des élèves;
2° amener tous les élèves à s’approprier des savoirs et à acquérir des compétences qui les rendent aptes à apprendre toute leur vie et à prendre une place active dans la vie économique, sociale et culturelle;
3° préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’1 société démocratique, solidaire, pluraliste, ouverte aux autres cultures;
4° assurer à tous les élèves des chances égales d’émancipation sociale.
La classe est donc, entre autres, une école de la vie : ces compétences acquises pour la vie constituent ce bagage inestimable transférable à toute action future (profession, expérience)…
En termes de frein à la pleine conscience, j’ai déjà évoqué la question du temps disponible en classe où un élément-clé est le fait d’incarner cet état d’esprit et pas forcément de créer des moments particuliers de pleine conscience. Par ailleurs, je citerais la prudence à avoir avec le vocabulaire utilisé pour faire connaitre cette pratique, bien présente depuis la nuit des temps, tant elle est parfois connotée dans l’esprit de certains. A première vue, cet a priori (connotation) peut sembler un obstacle. L’enseignant peut aussi le considérer comme une ressource, un défi… ou tout simplement une occasion pour accueillir la différence car, comme dit Manu Di Bango : On ne peut pas peindre du blanc sur du blanc ni du noir sur du noir. Chacun a besoin de l’autre pour se révéler.
Présentation de l'intervention de Candice E. Marro
Pleine présence à l’école
Candice partagera le retour d’expérience et les grandes lignes de la méthodologie du programme P.E.A.C.E (Pratique de la Présence, l’Ecoute, l’Attention et de la Concentration dans l’Enseignement) appliqué dans l’enseignement (du primaire au lycée), durant le temps scolaire ainsi que du programme PAUSE à destination des enseignants et éducateurs.